Ah les guinguettes. Un temps que les moins de 150 ans ne peuvent pas connaître. Ces lieux de fêtes du XIXème où le vin bon marché, les bons petits plats populaires et les bals rendaient les soirées plus belles. D’autant plus belles, que ces guinguettes se trouvaient en dehors de Paris (au delà des barrières de l’octroi) et étaient dispensées de quelques taxes, donc bon marchés. Mon quartier de Belleville (à l’époque un village en dehors de Paris) était l’un des spots des guinguettes. L’Apéro du Jeudi en est d’ailleurs peut-être un peu un arrière arrière arrière petit fils. Mais lorsque Belleville fut intégrée à Paris en 1859, il a fallu aller boire des canons plus loin.
Pourquoi pas les jolies rives de Seine si bucoliques dans l’ouest parisien ? Avec le développement du train, il fallait à peine 30 petites minutes pour rejoindre de la gare St Lazare par exemple Chatou. Rapidement, cette ligne devint la ligne des trains de plaisir, c’est dire. Du coup les canotiers se font plaisir aussi. Par exemple Mr Fournaise, charpentier de bateau voit sa petite activité se développer. Sa femme décide d’ouvrir un restaurant atenant à l’atelier dès 1860. Un restaurant qui va devenir mythique.
2015. 45 minutes séparent Belleville de Chatou. Périph et A86. Moins glam que le train du plaisir. L’été est passé par là, la nature n’est plus très verte. Cette petite île au milieu de la Seine a l’accueil plutôt sec. Goudron, barrière, coin désert. Gloups.
Quelques pas incrédules et nous tombons sur la Maison Fournaise. Oui la maison d’Alphonse le canotier de Chatou. Et soudain tout s’éclaire. Une péniche s’amarre pour débarquer un mariage, les lampions de couleur accrochés à la terrasse s’allument et le Déjeuner des canotiers de Renoir s’anime sous nos yeux.
Car oui, c’est sur la terrasse de la Maison Fournaise, là où nous nosu apprettons à passer à table, que Renoir a posé ses pinceaux pour peindre la belle vie façon guinguette. La beauté d’Alphonsine, la fille du patron, cette jeune fille au fond à gauche qui fascinait tout ce petit monde, le patron lui-même avec son chapeau accoudé sur la gauche, journaliste, actrices, comédiens… les amis et modèle de Renoir. Un instantané d’un moment de plaisir. D’une époque de plaisir dont l’imaginaire populaire est éternellement nostalgique.
L’endroit est superbement préservé. Les fresques et les poèmes aux murs trahissent une histoire plus que centenaire. Le doux parfum des fêtes de canotier flotte dans l’auberge.
Bien sûr la Maison Fournaise s’est un tout petit peu embourgeoisée. Mais un petit plat – dessert à 33€ reste tout à fait abordable. Surtout que c’est bon.
Je vous présente la terrine de foie gras de canard maison, gelée au miel et thym (17.50€). On dit bonjour Madame.
Duo de lotte et gambas en Tandoori (25€). On dit bonjour Monsieur.
Et filet de bar poêlé aux oignons confits & potiron (22€). On dit merci Madame.
J’ai passé un délicieux moment. Surement rien à voir avec l’ambiance des fêtes de Renoir et ses amis mais cette fraicheur, cette petite terrasse, ces bons plats m’ont donné l’impression d’avoir dîner hors du temps, dans un tableau d’impressioniste.
Maison Fournaise
Ile des Impressionnistes
3, rue du Bac – 78400 Chatou
email : lamaisonfournaise@yahoo.fr
Tél : 01 30 71 41 91
http://www.restaurant-fournaise.fr/