Comme je me plais à le rappeler souvent, l’une des choses qui me frappent le plus au Cambodge, et qui me fascine, c’est le sourire des cambodgiens. Il a été omniprésent pendant mon voyage. Et mon petit doigt me dit que cette culture du sourire n’est pas récente. Enfin mon petit doigt, c’est plutôt l’un de mes temples préférés d’Angkor qui me le dit, le temple du Bayon.
Point Route
– Jour 5 de notre périple moto au Cambodge
– toujours entre Siem Reap et Angkor
– Nombre de km : 0.5 km
– Découvrir les derniers épisodes de mon voyage au Cambodge ici
Le temple le plus étonnant
Surement le temple le plus étonnant d’Angkor. De loin, en arrivant en tuk-tuk ou en moto, vous apercevez un bâtiment un peu difforme avec de petites tours qui s’élancent vers le ciel. Lorsque vous vous rapprochez vous commencez à rapidement dicerner des visages. 148 visages géants sculptés dans la pierre pour être précis. La sensation est unique et vous vous surprenez à contempler ces doux visages khmers, sortis de la nuit des temps (enfin du XIIème siècle pour être précis). Qui regarde qui au final ? Le petit touriste français devant une oeuvre khmer ou ce khmer millénaire et son sourire énigmatique qui contemple ces milliers de touristes ?
D’ailleurs en parlant de touristes, pour trouver un hôtel à Siem Reap, évitez les trop grosses structures pour ne pas vous retrouver au milieu de 10 cars chinois.
Plan d’Angkor Thom du site Temples Angkor
Le pouvoir du sourire
C’est donc Jayavarman VII, le dernier grand roi d’Angkor, qui a bâtit le Bayon. L’une des dernières théories avancées par les archéologues propose l’idée suivante : chaque souverain construisait son temple pour régner de son vivant mais une fois la mort venue, le temple devenait la demeure funéraire du souverain. Ce qui expliquerait le nombre important de temples à Angkor. Le Bayon serait donc la dernière demeure de Jayavarman VII. Mais cette théorie est toute récente, elle reste encore à étayer.
Des 54 tours, il n’en reste que 37. Avec donc un visage à chaque point cardinaux, c’est à dire 4 visages pour chaque tour, qui regardent dans toutes les directions du royaume. Si le message est très certainement religieux et que ces visages représentent différents bouddha, il y a une des théories qui entourent des visages qui ont gardé une bonne part de mystère, qui me plait. Angkor Thom étant la capitale du royaume (une mégalopole pour l’époque), le Bayon étant son principal temple, on parle ici de pouvoir. Et générallement pour imposer son pouvoir, l’Histoire nous apprend que l’homme utilise souvent la puissance, la force, l’arme. Ici, ce sont 4 visages doux et protecteurs, avec ce sourire marqué. Des visages qui veillent sur les 54 provinces du royaume (d’où les 54 tours) avec bienveillance. Oui c’est ça avec bienveillance. La loi de l’Empereur doit bien entendu régner mais avec un certain égard pour son peuple.
Mise à jour 21/01/16
Il ne faut pas oublier que Jayavarman VII est arrivé au pouvoir après une guerre civile particulièrement sanglante. Assez traumatisante pour que le nouvel Empereur veuille immortaliser cette guerre atroce sur les murs de son temple. « Nous n’oublierons pas » devaient-ils se dire. Quand je disais bienveillant au-dessus de ce paragraphe… ça remet en perspective !
Au sujet des visages, l’une des théories très en vogue en ce moment serait que les visages du Bayon soit en fait tous ceux du roi Jayavarman VII. Ces visages allaient avec la nouvelle religion que venait d’imposer à son royaume Jaya (pour les intimes) : le bouddhisme mahayana avec la notion de toute puissance, de contrôler le monde entier. Certains chercheurs comme le professeur Fletcher (université de Sydney) avancent que le changement de religion a un but bien précis : l’éradication de toute une aristocratie hindoue qui avait la main mise sur le pouvoir. On change de religion, on fait table rase du passé et on s’affranchit de tout entrave à son pouvoir.
Fin de la mise à jour
Bien entendu inutile d’idéaliser une civilisation qui avait certainement recours à la force et qui n’en fissait pas de concquérir et de combattre ses voisins Chams ou Viet. Mais tout de même reconnaissons une philospohie du pouvoir toute particulière à travers ces visages de pierre et leur sourire.
Les murs du Bayon sont une véritable BD de pierre : les exploits militaires du roi, les scènes de vie quotidiennes, les dieux… vous avez là tout l’univers des Khmers au XIIème siècle.
Les nombreux remaniements du temple dûs aux changements de religion rendent peu lisible son architecture. Et l’endroit devient vite un jeu d’escaliers, d’étages, de mini terrasses, cavités, salles où la lumière distille quelques moments de grâce. Le meilleur moment pour visiter ce temple si particulier est bien entendu au lever ou coucher du soleil. Pas encore ou plus envahi par les cohortes de touristes chinois et japonais (les plus désagréables à Angkor), avec cette lumière fascinante qui donne vie aux petites danseuses de pierre, les Aspara… le lieu est magique.
L’enfer c’est les autres ? Oui surtout quand ils sont en car.
Ces visages de pierre m’accompagnent encore aujourd’hui. Et je passerais encore des heures devant les bas reliefs du Bayon, véritable livre ouvert sur la vie de l’Empire khmer.
Tes photos sont splendide!
Merci !